Tout : les boules, les quilles, la piste et les murs. Alternant lattes brunes biseautées et à champs plats, brillantes et mates, cet ensemble que l'on aurait autrefois qualifié de "bel ouvrage" révèle l'éventail des possibilités esthétiques que peut revêtir cette matière jusque-là essentiellement cantonnée à un aspect et à un usage uniques. Le bouchon de bouteille.


Réalisé par Cork Design - société spécialisée dans la création de produits en liège pour la décoration, l'architecture, le mobilier et le textile -, ce bowling a été présenté au Salon international de la construction, Batimat, qui s'est tenu du 5 au 10 novembre au Parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris. Il en fut un des temps forts.

Durant cinq jours, les visiteurs se sont en effet bousculés autour de ce produit qui séduit autant qu'il intrigue par l'impression à la fois de douceur et de robustesse qu'il dégage. Résultat : les commandes se sont accumulées, inattendues parfois. "On nous en a demandé pour des espaces collectifs mais aussi pour des appartements et même des yachts", s'étonne-t-on encore chez Cork Design.

Exposé dans un nouvel espace, "Tendances, la matière autrement", qu'inaugurait cette 26e édition de Batimat, le bowling de Maxime Beucher illustrait, parmi d'autres réalisations, la volonté des organisateurs de montrer "les nouveaux champs d'application offerts par les matériaux - des plus innovants aux plus traditionnels dès lors que les créateurs se les approprient".

Conçu par Thema Design (agence de conseil dans les domaines de l'innovation, de l'architecture, de l'habitat et du design) et Materio (service européen indépendant d'information sur les matériaux), le projet s'est construit sur la mise en présence de plusieurs couples éphémères réunissant un industriel et un designer. Chacun de ces duos avait pour mission d'élaborer une création originale à partir d'un matériau singulier.

La démarche n'est pas anecdotique. "Dans un monde de plus en plus virtuel, la matière est devenue un repère essentiel", souligne Dominique Tarrin, directeur du Salon. "Mais, devant le nombre et la variété des matériaux, le travail de recherche et de sélection est fort complexe pour les architectes et plus généralement les prescripteurs." L'espace "La matière autrement" avait donc pour mission de créer des ponts entre les designers et les industriels pour que les pistes étudiées ensemble puissent déboucher sur une réalisation concrète. Pari réussi.

Les plaques Eternit fabriquées par la société homonyme à partir d'un mélange homogène de ciment, de cellulose et de fibres de synthèse, sont habituellement utilisées comme revêtement pour les toits, les façades et les murs. Sous la houlette de Stéphane Bureaux, elles sont devenues des éléments structurels à part entière. A partir de panneaux découpés en triangle de différentes tailles, assemblés ensuite à l'aide de charnières, le designer et l'industriel, ont réussi la gageure d'édifier une véritable caverne. Peut-être un abri provisoire pour demain, beau et utile.

Spécialiste de la cotte de mailles, la société française Foin fabrique depuis 1835 des produits en fil métallique, et notamment des vêtements de protection pour l'industrie agroalimentaire. Passionnée par ces matériaux, l'architecte d'intérieur et designer Pascale Lion en a fait des rideaux fins et soyeux mais aussi des pans de séparation lourds comme des carapaces et néanmoins mouvants et cliquetants. Le spectacle est surprenant. Il n'est pourtant pas une première.

Souhaitant affirmer sa volonté " d'accompagner les créateurs sur les voies qu'ils défrichent", la société Foin a créé un département consacré à l'architecture et à la décoration, qui a d'ores et déjà porté ses fruits. La cotte de mailles utilisée à des fins décoratives est présente dans de nombreux hôtels, bars et autres espaces publics. Elle apparaît aussi sur les vêtements des défilés de haute couture.

D'autres créations qui toutes traçaient des perspectives d'avenir sont spécialement nées pour s'exposer dans cet espace "La matière autrement" : les pièces de mobilier imaginées et conçues par Marie Lambert, Romain Gnidaz et l'industriel 3Form, en écorésine, matière qui laisse voir en transparence les couleurs, végétaux, motifs qu'elle emprisonne dans sa fabrication.

Mais aussi les toilettes en bronze de Chantal Peyrat qui, avec la société Metal Project, a utilisé la projection à froid de métal sur l'émail pour créer cet effet inattendu. Ou encore un requin grandeur nature signé Matt Sindall, dont la réalisation a permis de pousser les limites d'application et d'utilisation des panneaux en placage de bois de la société Oberflex.

Toile, fibre ciment, liège, panneaux en nid-d'abeilles, Inox, pigments de couleur, Corian, béton ciré, céramique ou encore stratifié..., mis à disposition de l'imagination de designers aidés du savoir-faire des industriels, ont pu sortir des chantiers battus. En se mettant au service de l'imagination des designers et du savoir-faire des industriels.